Les forêts sous-marines en danger en Nouvelle-Zélande
Bienvenue dans les profondeurs de Wellington au sud de l’île du nord de la Nouvelle-Zélande. Dans cet article, on vous propose de découvrir une autre facette de ce pays en plongeant à la découverte des forêts sous-marines et des richesses qu’elles abritent. On y découvre une multitude de problématiques liées les unes aux autres qui nous ont beaucoup interpellées.
En effet, la surface des forêts sous-marines décroît menaçant la biodiversité. Ces forêts de kelp sont des habitats composés d’algues brunes géantes qui servent de refuge à de nombreux animaux marins. Au cours de notre tour du monde, nous avons eu le privilège de rencontrer des personnes s’investissant activement dans la restauration de ces forêts sous-marines. En tant qu’explorateurs, on vous partage notre aventure et nos réflexions sur ce défi, les enjeux et les risques associés.
Un écosystème marin fragile
Tout commence avec une observation intrigante : la surface des forêts de kelp diminue dans le port de Wellington. Ce phénomène n’est pas anodin, car les kelp et les autres algues brunes géantes jouent un rôle crucial dans le cycle de vie de nombreux poissons en Nouvelle-Zélande. Ces algues agissent en tant que refuges, nurseries, et sources alimentaires vitales.
Comme pour tous les écosystèmes, lorsque l’équilibre global est rompu, c’est une réaction en chaîne.
- Une diminution des forêts de kelp signifie moins de refuge et de nourriture pour les poissons, qui sont les principaux prédateurs des Kinas, les oursins de mer endémiques de la Nouvelle Zélande.
- Il n’y a plus assez de prédateurs pour réguler la population des oursins de mer, favorisant leur prolifération.
- Les Kinas de plus en plus nombreux, se nourrissent des forêts de Kelp qui ont de plus en plus de mal à se développer. Les jeunes pousses sont dévorées avant d’atteindre maturité, perdant ainsi la chance de servir de nurserie aux poissons prédateurs des oursins. La forêt s’amincit. Cela expose les éponges et d’autres formes de vie marine douce aux courants et aux prédateurs auxquels elles ne seraient normalement pas confrontées. Les poissons, un aliment de base pour les Néo-Zélandais et la population maorie, sont directement impactés par ce cercle vicieux.



L’Impact des activités humaines sur les forêts sous-marines
Si les kinas sont trop nombreux pour permettre une régénération normale des forêts de Kelp en Nouvelle-Zélande, on ne peut que mettre en évidence le rôle essentiel des activités humaines dans ce problème.
- La déforestation massive en Nouvelle-Zélande est une première explication. En retirant les arbres pour y installer des pâturages pour l’élevage d’animaux (vache et moutons principalement), les sols sont moins stables et les sédiments ruissellent de manière plus importante vers les océans. Ces sédiments restent en suspension dans la colonne d’eau, bloquant la lumière du soleil nécessaire à la photosynthèse pour le développement de la forêt de Kelp.
- La surpêche ne fait qu’aggraver le problème. En diminuant le nombre de prédateurs des Kinas tels que les snappers ou les langoustes, ils se développent encore plus.
- Le changement climatique est également une vraie question pour la pérennité des algues géantes dans la baie de Wellington. Ces algues supportent très mal des températures supérieures à 19°C et ont plus de mal à se reproduire. Or, les températures enregistrées sur les dernières années montrent que cette limite de 19°C est atteinte de plus en plus régulièrement et les pics de températures sont de plus en plus haut. On parle alors de Canicule marines.
Les projets pour protéger les forêts sous-marines
1. Éduquer et Sensibiliser la Population
Programmes éducatifs
Mountains to Sea Wellington propose des programmes éducatifs inspirants sur l’eau douce et marine pour les écoles et les groupes communautaires. Ils mènent des initiatives de sensibilisation pour alerter la population sur cette question environnementale. Ils proposent des programmes éducatifs aux jeunes dans les écoles pour sensibiliser dès le plus jeune âge.
Ils offrent le programme Experiencing Marine Reserves (EMR), un programme national explorant la conservation marine et les réserves marines locales. Les étudiants apprennent sur la biodiversité marine, les impacts humains et l’importance des réserves marines pour la préservation de nos océans.
Depuis juillet 2022, 72 classes d’école ont participé à leurs programmes éducatifs. Depuis 2008, plus de 41 000 personnes ont été impliquées dans leurs programmes et projets.
Evènements Publics
Mountain to Sea Wellington organise des événements publics gratuits sur la pittoresque côte de Wellington, offrant des visites guidées en snorkeling et des visites immersives des algues pour explorer les algues indigènes de la région. Ces événements permettent non seulement aux participants d’admirer la beauté de la vie marine de première main, mais servent également de plateformes pour comprendre les rôles complexes que jouent les algues dans les océans de Nouvelle-Zélande, y compris leur lien avec le changement climatique.
L’équipe est composée de bénévoles dévoués passionnés par la conservation marine et désireux de partager leur expertise avec le public. Nous avons eu l’occasion de participer à l’une de leurs visites d’algues, où nous avons découvert la diversité des algues qui habitent la région de Wellington. L’expérience a été enrichissante, se terminant par une dégustation d’algues fraîchement récoltées – une véritable célébration de la biodiversité marine locale !
Bien que nous n’ayons pas pu participer à l’événement de snorkeling gratuit en raison du mauvais temps, nous recommandons vivement cette activité à ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur le monde sous-marin et la biodiversité qu’il abrite. Nager aux côtés des poissons dans les eaux cristallines de Wellington est une expérience inégalée. Rien qu’en 2023, les journées de snorkeling communautaires ont attiré 629 participants.
2. Restauration des forêts sous-marines : le rôle crucial de la Science Participative
Le projet Love Rimurimu pilote la régénération des forêts d’algues à Wellington. L’équipe du projet travaille en étroite collaboration avec des scientifiques sur un projet de régénération des forêts sous-marines. Lancé en juillet 2021 pour une durée de 5 ans et soutenu par la Science Participative, ils identifient les emplacements les plus propices à la croissance des grandes algues, recherchant des conditions optimales pour leur développement. Actuellement, il existe 6 sites de restauration établis, dont 1 site expérimental, analysant les impacts de la sédimentation, et un autre site géré par des étudiants.
Malheureusement, seuls 30 % des algues sous-marines récemment plantées ont survécu. Cette perte importante est attribuée aux conditions environnementales (température, exposition à la lumière, etc.) et aux méthodes de stockage des graines. De plus, des recherches indiquent que certaines espèces d’algues font preuve d’une plus grande résilience au changement climatique, tandis que les laminaires géantes se distinguent comme l’une des espèces les plus vulnérables aux pics de température. Par conséquent, le choix des bonnes espèces est primordial et pourrait potentiellement remodeler les paysages sous-marins tels que nous les connaissons actuellement !
3. Autres Initiatives
Surveillance environnementale et collecte de données
À Wellington, des paramètres environnementaux cruciaux tels que la température de l’eau et la couverture en algues sur les fonds marins sont surveillés avec diligence pour créer des conditions idéales pour la prolifération de jeunes pousses. Depuis 2016, un groupe dédié de plongeurs en science participative est activement engagé dans la surveillance des populations de varech géant dans le port de Wellington, documentant méticuleusement l’impact des fluctuations de température de l’eau sur les forêts de varech locales.
Le travail des plongeurs en science participative a également inspiré d’autres activités d’éducation et de sensibilisation, ainsi que les projets Love Rimurimu. Pour des informations détaillées sur l’avancement du projet, vous pouvez explorer la documentation en cours ici.

Élimination des kinas pour soutenir la régénération des forêts sous-marines
Un autre projet se concentre sur la régulation des populations d’oursins dans les sites de régénération en les retirant systématiquement de leur environnement. Ce faisant, le projet vise à améliorer les perspectives de survie des algues. Des volontaires, opérant sous un permis spécial du Ministère de l’Agriculture, prennent l’initiative de retirer les oursins des zones ciblées et surveillent étroitement les effets subséquents.
Les volontaires ont réussi à extraire plus de 12 000 oursins d’une étendue de 250 mètres de rivage dans le port de Wellington entre décembre 2022 et février 2023, ouvrant la voie à la reprise de la croissance des algues dans la région. Vous pouvez en savoir plus sur cette initiative ici.
Conclusion et Perspectives
Malgré les initiatives positives mises en place, nous n’avons pas encore identifié d’actions centralisées pour résoudre ces problèmes à la source. La surpêche et la déforestation nécessitent une gestion centralisée au niveau national, impliquant toutes les parties prenantes, des pêcheurs aux agriculteurs, chacun ayant des objectifs différents.
De plus, ces initiatives se concentrent sur des sites spécifiques de la baie de Wellington. Nous nous interrogerons sur l’état des forêts sous-marines en dehors de ces zones contrôlées. La prolifération des oursins, par exemple, ne connaît pas de frontières et peut dévorer les algues au-delà des sites surveillés. Comment pouvons nous protéger ces zones et suivre leur évolution sans une gestion centralisée? Il est crucial de noter que d’autres alertes ont déjà été remontées par l’Université d’Auckland, dans les Noises Islands, soulignant l’urgence d’agir de manière concertée et globale pour le pays.
Nous saluons la motivation des leaders de projet qui animent leurs communautés et partagent leurs connaissances. Cependant, ces projets reposent souvent sur quelques personnes clés et sur le volontarisme de la population, dont l’impact reste limité en termes de nombre et d’étendue.
Malgré ces défis, nous sommes convaincus que la volonté collective de changement et les projets actuels peuvent conduire à des solutions durables. Ces initiatives contribuent à préserver l’écosystème marin. Il est impératif de continuer à sensibiliser, éduquer et œuvrer collectivement pour préserver ces trésors sous-marins uniques.
Pour aller plus loin
Découvrez cet article de Nastasia Michaels (paru dans le Magasine Geo) pour en savoir plus sur les algues et leur potentiel rôle dans la lutte contre le changement climatique : « Les forêts sous-marines pourraient elles nous aider à lutter contre le changement climatique? »
Pour comprendre les effets de la température sur les développements des forêts sous-marines, cet article scientifique est très intéressant : « Effect of temperature on sporulation and spore development of giant kelp (Macrocystis pyrifera) »
Pour en savoir plus sur les canicules marines et leurs conséquences sur la biodiversité marine : le pod cast de France Inter « les canicules marines: les océans en ébullition » est très riche et explique clairement les mécanismes des canicules océaniques
Vous pouvez accéder aux données collectées par des plongeurs partout dans le monde et aux initiatives citoyennes sur le site Projectbaseline, initié par Nicole Miller
Retrouver les programmes éducatifs mise en place par Moutains to Sea Wellington et les actions de science participative (restauration des surfaces des forêts sous-marines) sur Love Rimurimu
Les conséquences de la prolifération des Kina dans les îles Noises près d’Auckland analysées par l’Université d’Auckland : Dartnall 2022 – The extent of kina barrens over time at Hauturu-o-Toi and the Noises Islands
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